l’Alsace à l’école
Articles Heimet 244 et 243
L’histoire de l’Alsace à l’école
après la Seconde Guerre mondiale
Dans notre précédent article, nous avons montré en quoi les manuels d’histoire de l’Alsace en usage durant l’entre-deux-guerres étaient des instruments de francisation. Nous verrons ici que cette tendance a continué après 1945, mais aussi qu’une autre approche a été suivie pour la conception d’un manuel destiné aux écoles primaires de Haguenau.
L’Histoire d’Alsace de Pierre Haas
Entre 1940 et 1944, les nazis avaient diffusé une histoire d’Alsace conforme à leurs obsessions, dont témoigne le catalogue d’exposition Das Elsass, Herzland und Schildmauer des Reiches (1942). Après la Libération, la France reprend, en l’intensifiant, sa politique de dégermanisation. Pour l’enseignement de l’histoire régionale, un nouveau manuel est publié, en 1946 : c’est l’Histoire d’Alsace à l’usage des établissements scolaires des premier et second degré. Son auteur, Pierre Haas, est né en 1897 près de Belfort ; instituteur à Strasbourg avant la Seconde Guerre mondiale, il y retourne après le conflit comme professeur de lettres-histoire dans un collège technique.
Extrait
Le manuel haguenovien d’André Marcel Burg
En 1950 paraît un manuel scolaire local intitulé Haguenau. Histoire d’une ville d’Alsace racontée aux jeunes1. Le maire, qui a écrit la préface, s’y présente comme l’initiateur du projet : soucieux de donner à ses administrés une bonne connaissance de leur passé, il a « prié le jeune et actif conservateur de la bibliothèque, des archives et du musée de Haguenau, Monsieur l’abbé Burg, docteur en théologie, d’écrire une histoire de notre ville, destinée aux jeunes d’abord, mais non moins recommandable aux adultes ». Né à Fegersheim en 1913, ordonné prêtre en 1939, André Marcel Burg avait pris ses fonctions de conservateur du musée de Haguenau en 1946.
( voir suite sur D’Heimet 244 )
Eric Ettwiller Agrégé, docteur en histoire
Président d’Unsri Gschìcht https://www.unsrigschicht.org
L’histoire de l’Alsace à l’école
durant l’entre-deux-guerres
La République Française, qui a pris possession de l’Alsace en 1918, n’a pas banni tout enseignement de l’histoire régionale. Ainsi, en 1920 étaient publiés deux manuels consacrés exclusivement à l’histoire de la région. Mais le lecteur averti qui parcourt ces ouvrages est saisi d’effroi face à ce qui apparaît comme de véritables entreprises de manipulation. Analysons l’un d’eux.
L’Histoire de l’Alsace en vingt leçons
Entre les deux manuels, trois raisons nous incitent à choisir L’Histoire de l’Alsace en vingt leçons : c’est celui qui s’est le plus vendu, il est préfacé par le doyen de la Faculté des Lettres de Strasbourg et on connaît ses auteurs, à savoir Laurent Waechter et Léopold Bouchot1. Waechter est un Alsacien, né à Kindwiller en 1877. Instituteur, il devient directeur de la Präparandenschule de Lauterbourg. Nommé inspecteur primaire par les Français, il séjourne du côté de Nancy pour « perfectionnement professionnel ». C’est assurément là-bas qu’il rencontre Bouchot, directeur d’école, déjà auteur d’un manuel d’histoire de la Lorraine.
Le préfacier, Christian Pfister, est également un Alsacien, mais d’un type particulier : il avait quitté sa région natale en 1871 pour poursuivre ses études en France. Tout historien qu’il est, Pfister affirme ici très sérieusement que l’Alsace médiévale était « membre […] du royaume des Francs, même au temps où, nominalement, elle faisait partie de l’Empire germanique » ! On retrouve cette lecture biaisée dans l’ensemble du manuel, avec trois thèmes saillants.
Les ancêtres gaulois
L’Histoire de l’Alsace en vingt leçons utilise le passé gaulois pour affirmer le caractère ethniquement français des Alsaciens. Waechter et Bouchot écrivent : « Les différents peuples qui vinrent habiter cette région fertile se mélangèrent et formèrent le peuple gaulois, de même origine que tous les autres Français et bien différent des races germaniques fixées de l’autre côté du Rhin ».
Les auteurs ne font, bien sûr, pas état du fait qu’un peuple germanique – les Triboques – a recouvert la plus grande partie de l’actuelle Basse-Alsace, avec l’accord de Rome. Quant aux Alamans, qui chasseront les Romains et s’installeront définitivement dans le pays, ils sont décrits comme des envahisseurs aussi nuisibles qu’éphémères.
Dans le Saint-Empire sans y être
Clovis et Charlemagne faisant partie du roman national français, le traitement des périodes mérovingienne et carolingienne ne pose pas de difficulté pour une lecture patriotique de l’histoire régionale.
( voir suite sur D’Heimet 243 )
Eric Ettwiller Agrégé, docteur en histoire
Président d’Unsri Gschìcht https://www.unsrigschicht.org