Tony Troxler (suite)

Tony Troxler (suite)                                                                                     par Jean-Paul Sorg

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La gaffe ! Ich hàn a Bock gschosse ! Je me suis trompé de poème-chanson et trompé de quartier. J’ai dit mon émotion en entendant, le 14 janvier dernier, devant la tombe de Tony Troxler au cimetière central de Mulhouse, Huguette Durr entonner a capella ebbis iwer d’Cité z’Milhüsa. Comme j’ai mauvaise mémoire, mauvaise oreille, et ne retiens rien, j’ai cherché les paroles derrière le miroir, Hinter ‘m Spiegel, dans la magnifique, ai-je dit, anthologie des œuvres poétiques de… Tony. J’ai trouvé In mim Quartier et me suis persuadé que c’était cela. Mais pas du tout. Protestation de Huguette Durr. Elle a raison. Je lui présente toutes mes excuses et les présente aussi aux lecteurs de Heimet. Il faut rectifier. Ce qui nous donne l’occasion (le plaisir) de découvrir une autre chanson, qui n’a pas été retenue dans l’anthologie, mais que Huguette Durr sait par cœur et dont elle a précieusement conservé une copie, qu’elle a envoyée à la rédaction. Avec son autorisation et quelques modifications orthographiques (car les conventions ont changé), la voici :

S Gassla ìn der Cité z' Milhüsa    

‘S ìsch a Gassla, unbekànnt, gànz klei
Ohna Nàmma, ohna Trottoirstei
D'àndra Strossa dia lüages nìt à
‘S ìsch a àlter Làmpist nawa drà
‘S hàt kei Tràmway un kei Trolleybüs
Kei scheen Kino un kei Modehüs
Doch wenn's oi' uf keim Stadtplàn düat steh
Weiss ìch blìnd wia m'r àna kàt geh.

R – ‘S ìsch a Gassla gànz klei, ìm a Ecka allei
Vu der Cité z' Milhüsa
‘S ìsch a Gassla gànz klei, doch as langt fìr uns zwei
Wènn m‘r drìn gehn ge schmüsa
‘S ìsch fìr uns so diskret, fìr às uns niama seht
Sìn d' Làtarna ge pfüsa
‘S ìsch a Gassla gànz klei, ìm a Ecka allei
In der Cité z' Milhüsa

Am Tàg düat 's schlofa, doch geht's gega d' Nàcht
Küm hàt d'Sunna der Làda züa gmàcht
Leggt mi Gassla si Sunntigs Kleid à
Màcht sìch süfer wia'n a Gentlemà
Wàs züa wiascht ìsch wìrd ìn d'Schàtta gstellt
Der Rascht romàntisch wìrd vùm Mond erhellt
Un gesch àna wènn 's Zehna düat schlàh
Hàpt d' Sirena un maldet dìch à

Wenn dü speeter wìder amol duragehsch
Mìt dim Mannla, saisch ihm, Schatz! sehsch
Wia han m‘r àls kènna düssa steh
En der Kälta, bim Wìnd un bim Schnee
ìsch da Wag schlacht un as schmeckt aso
Zeig kumm schìck dìch s'ìsch unheimlig do
Ewer eimol sehsch Verliabta dert steh
No saisch friayher sìn mìr oï a so gse
                                                       Tony Troxler

Les quartiers de Mulhouse

Là, il s’agit clairement de la Cité (ouvrière), dont on peut situer une partie des deux côtés de la rue de Strasbourg, entre l’avenue de Colmar et la rue de Pfastatt. Là, les Gassla (ou en français « passages »), un réseau serré d’étroites ruelles pavées, 2 mètres 50 de large, où les autos passent difficilement et ne peuvent stationner sans bloquer une éventuelle circulation. Là, en effet, pas de tramways et pas de trolleybus. Pas de « beau cinéma », quoique rue Thénard, je crois me souvenir, un Thalia ? Pas de grands magasins de modes, certes, mais des échoppes plutôt, des boutiques discrètes. Ici et là, des Epiceries-làda ou –ladala. Mot bilingue ! Une ville est faite de quartiers, ses habitants peuvent y faire leurs courses – commissions, Kummisionna – à pied pour ce qui est des besoins alimentaires quotidiens. L’usage général de la bagnole a tout fait éclater et, ce n’est pas paradoxal, éloigné les uns des autres, les voisins, les proches. Le monde est devenu plus froid et plus bruyant. Les gens d’une même rue – et même d’un secret Gassla ou Wagla – ne se connaissent plus, ne se saluent plus, n’ont plus à se saluer, ils passent en voiture. On connaît et reconnaît de ses voisins mieux les voitures que leurs visages.
Le quartier qu’évoque Troxler dans In mim Quartier est autre. Situé à un autre coin de la ville,  direction Bâle. Dès après la guerre, s’étant marié en avril 1945 et faisant face à la crise du logement, il s’appliqua à construire lui-même et avec des amis sa propre maison dans un quartier nouveau, entre le canal et les bâtiments de la caserne Barbanègre, où on ne voyait que des petits jardins (Gartla) et, dispersées, quelques rares maisons rudimentaires (Hisla wie üs ma Bàuikaschtla). Depuis, le quartier s’est développé, modernisé, àlles nèi un scheen, situé derrière le vaisseau de La Filature, et la rue Barbanègre est maintenant parallèle à l’allée Nathan Katz. Comme c’est curieux ! Rien d’intentionnel. Pur hasard.
Chaque quartier dans une grande ville a (avait) son caractère, sa personnalité ou, disons-le, une identité immédiatement reconnaissable, un certain air que les habitants et les visiteurs respirent, qui est une évidence pour eux, mais qu’ils ne sauraient décrire, quelque chose d’ineffable donc ! Le poète seul y arrive, par la musique de ses vers. Et la musique – l’air justement, die Weise – vient surtout par les assonances, les rimes et l’harmonie qu’elles produisent. Mulhouse, non, Milhüsa à la chance, le bonheur, de rimer avec schmüsa (flirter), aussi avec pfüsa (dormir) et aussi avec süssa (sausen, filer à toute vitesse).

Extraits, voir suite dans Heimet 248 juin 2023


Date de création : 25/06/2023 17:16
Catégorie : - Jean Paul SORG
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