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L'émigration des Alsaciens

Heimet 217

März 2017

Heimetsproch un Tràdition 2017 – N° 217

L’ÉMIGRATION DES ALSACIENS SUITE A LA GUERRE DE 1870/71 :

Le mythe du plébiscite par les pieds

Dans le traité de paix de Frankfurt / Francfort (10 mai 1871), la clause de l’option témoignait d’un esprit très libéral pour l’époque puisque tous les habitants, Alsaciens ou Français de l’Intérieur, pouvaient rester en Alsace et bénéficier de la citoyenneté allemande, accordée d’office en cas de non option. Il n’y eut donc aucune expulsion. Il n’en sera hélas pas de même en 1918 où les sinistres « Commissions de triage », expulsèrent de force entre 128 000 et 150 000 Alsaciens-Lorrains germanophiles (les « bochophiles ») et Vieux-Allemands en se fondant sur des critères ethniques (cartes A-B-C-D)1. Ajoutons encore que si, en 1872, les optants pouvaient emporter toute leur fortune, ceux que la France allait expulser en 1918 n’eurent droit qu’à « 30 kg de bagages à main et au maximum 2 000 Marks en billets de banque » et perdirent toutes leurs autres économies !

Dès que la convention additive franco-allemande sur l’option du 11 décembre 1871 est rendue publique, les « protestataires » et d’autres ultra-patriotes, sous la conduite de Léon Gambetta, cherchent à transformer le droit d’option en plébiscite pour la France. Ils s’organisent autour de la « Ligue d’Alsace », créée en mars 1871 par Gambetta et qui regroupe une vingtaine de « grands bourgeois » mulhousiens, financiers généreux. Dans son tract « 18 bis », écrit en français2, elle lance l’appel suivant : « Optez, Alsaciens et Lorrains, votre coeur vous le dit et l’honneur vous le commande. (...) C’est le plébiscite final, et la honte qui doit en jaillir sur nos oppresseurs aux yeux du monde entier marquera notre première vengeance ».

En même temps, Gambetta et sa « Ligue », appuyés par le gouvernement, mettent sur pied diverses campagnes pour inciter tous les fonctionnaires français à rejoindre la France. Aux incitations verbales, l’Assemblée nationale ajoute des incitations financières… rien de tel pour galvaniser la fibre patriotique :

° Le 19 juin 1871, l’Assemblée accorde aux optants les droits civils et politiques français y compris tous les avantages pécuniaires qui en découlent (pensions, etc.)

° Le 21 juin 1871, la France offre aux optants alsaciens-lorrains désireux de « changer de sol sans changer de patrie » 100 000 hectares des meilleures terres d’Algérie prises aux indigènes. Le manufacturier Jean Dollfus sautera sur l’occasion et obtiendra en définitive une concession de 1178 hectares près de Tizi-Ouzou. Pour l’exploiter au mieux, avec une main d’oeuvre qu’il sait laborieuse, il y installera de nombreuses familles alsaciennes de ses fabriques qu’il a incitées « financièrement » à le suivre !

° Le 15 septembre 1871, ils obtiendront l’installation et le campement gratuits.

° Le 16 octobre 1871, les optants se verront offrir, en plus, trois années d’exemption d’impôts...

(Note : D’après le rapport officiel du parlementaire Guynemer présenté en 1875, environ 60004 Alsaciens choisirent de s’installer en Algérie entre 1871 et 1874. Certains colons alsaciens en mal de terre s’y étaient déjà installés dès le début de la colonisation de l’Algérie, en 1831.

L’option, pour beaucoup de « patriotes français éplorés », n’était donc pas exempte de calculs financiers opportunistes. Dans tous les cas, ils ne perdaient rien ni socialement ni professionnellement, et, souvent même, ils se voyaient gratifiés d’une promotion. Cela finit même par exaspérer certains Français, tel André Ibels au Mercure de France qui, en 1897, constata ironiquement : « Les malheureux Alsaciens conviendront avec moi, qu’ils ont gagné à notre perte, si l’on daigne examiner les places qu’ils occupent depuis 1873 dans nos grandes administrations françaises. (…) Qu’on ne nous rende point l’Alsace, nous n’avons hélas que trop d’Alsaciens !5».

Combien émigrèrent effectivement ?

En ce qui concerne le nombre des optants, l’historiographie républicaine et jacobine a bien entendu totalement déliré sur les chiffres, en avançant, pour l’Alsace-Lorraine, entre 500 000 et un million d’optants, sur une population totale des territoires annexés de 1 549 738 habitants (1 059 000 pour l’Alsace seule). A Paris, la très puissante Ligue d’Alsace financée par le gouvernement, avança le chiffre absolument délirant de 800.000 optants6 ! En 1918, dans son livre « Ce qu’il faut savoir de la question de l’Alsace-Lorraine », le publiciste André Leroy écrit : « 267 639 Alsaciens-Lorrains émigrèrent disant adieu à la maison de famille, au village, abandonnant leurs biens, leurs usines, leurs intérêts (...) à Schlestadt, la moitié de la population partit »7. Plus « modeste », l’abbé Wetterlé donne le chiffre de 200.000.

Le patriote Théodor Karcher, optant-émigrant de la première heure, journaliste et universitaire né en 1821 à Sarre-Union/Saarunion, écrivait en 1871 en donnant libre cours à ses fantasmes antiallemands : «Chaque matinée on peut apercevoir une longue file d’Alsaciens marcher péniblement sur la route de Lyon (...) Ils tentent tout, plutôt que de se rallier à la Prusse et d’être exposés, un jour, à porter cet uniforme qu’ils ne veulent voir qu’au bout de leurs fusils. (...) Ils s’en vont tous. Dans quelques mois, il ne demeurera plus dans le Haut-Rhin, le Bas-Rhin et la Moselle, de jeunes gens comptant de seize à vingt-deux ans.8»

Par Bernard Wittmann Extraits de la revue D’Heimet 217 mars 2017

Voir l’article complet sur 3 pages dans la revue « D’Heimet » n° 217 Mars 2017


Date de création : 16/03/2017 22:56
Catégorie : Médiathèque - Bernard WITTMANN
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