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Ces protestants alsaciens qui ont acclamé Hitler

Heimet 243


Ces protestants alsaciens qui ont acclamé Hitler de Michel Weckel

La parution, fin mars 2022, du livre du pasteur Michel Weckel, a été saluée en grande pompe par les Dernières
nouvelles d’Alsace. L’ouvrage fut présenté comme une entreprise de salut public.
La lecture de l'interview du Professeur Lienhard figurant sur la même page du quotidien, malheureusement
réduite à la portion congrue, laissait néanmoins entrevoir les quelques failles de l’entreprise.
C’est sur ces quelques fautes commises par l’auteur et les nombreuses lacunes que comporte son travail que
nous avons souhaité attirer l’attention des lecteurs.
Sans condamner le principe d’un tel ouvrage qui est de toute évidence nécessaire à la découverte d’un passé
proche, il nous est apparu que ce livre est affecté de vices sérieux.
La première chose qui frappe le lecteur lorsqu’il entreprend la lecture de cet ouvrage est la tonalité vindicative
et fielleuse de ses lignes. Dès les premières pages, le ton du livre est donné.

Contrairement à ce que l’auteur etcertains commentateurs ont pu prétendre,il s’agit là d’une œuvre pamphlétaire qui, comme tout authentique pamphlet, vise à accuser et dénoncer.Il ne s’agit pas d’un procès respectant les standards minimaux d’une justice démocratique,ni d’une œuvre d’historien soucieux de la complexité des faits.

En réalité, l’auteur ne s'embarrasse guère d'instruire à décharge le dossier de ceux qu’il a par avance choisi de désigner à la vindicte publique.
Michel Weckel nous fait d’emblée part du dégoût que lui inspirent ses ex-ouailles. Il parle d’elles comme d’ «un vrai panier de crabes » (p. 30). Nous pouvons tout de même nous rassurer en apprenant que le pasteur Weckel a occupé d’honorables fonctions au sein de l’Eglise protestante, ce qui lui a permis de s’adonner à la
charité.
Rousseau nous l’enseignait déjà : “ Tel philosophe aime les Tartares, pour être dispensé d'aimer ses voisins ”.
Tentant ensuite de comprendre les raisons qui poussent ses paroissiens à se comporter en pécheurs, l’auteur
entreprend de tracer des parallèles et d'établir des analogies entre l’attitude des luthériens durant la Seconde
guerre mondiale et le vote FN qui atteignit des scores importants dans les zones où le luthéranisme est
fortement implanté. Sans avancer aucune explication, l’auteur émet des hypothèses et pose quantité de
questions accusatrices, conformément aux usages psychanalytiques qui veulent que la vérité se trouve moins
dans les réponses que dans les questions. Cette précision n’est pas anodine puisque l’auteur revendique d’être
un adepte de cette pratique et nous explique l’importance de la psychanalyse dans la rédaction de cet ouvrage.
Dans le chapitre 6 intitulé « Kirche, Heimat und Sprache », l’auteur s’attaque à Carl Maurer, qui fut Président
de l'Eglise évangélique-luthérienne d’Alsace entre 1940 et 1944. Michel Weckel est forcé d’admettre que
quelques éléments factuels ne concordent pas avec la vision de « bourreau » qu’il se fait du personnage. A la
suite des travaux de MM. Vogler, Lienhard et Siegwalt, Michel Weckel lui reconnaît même certaines actions
louables mais regrette, horresco referens, que Carl Maurer n’ait « jamais renié sa passion pro-germanique,
même après 1945 » (p 59). Nous avons du mal à comprendre ce qui est reproché à Carl Maurer. S’agit-il de sa
germanophilie ?
C’est sur ce point précis que l'œuvre exhale toute l’acrimonie qu’elle recèle. Michel Weckel en veut aux
luthériens alsaciens d'être ce qu’ils sont, de se rattacher à une tradition culturelle germanique.
Il oppose les protestants français, qu’il pare de toutes les vertus et les luthériens alsaciens, qu’il affuble de tous
les vices. Les uns seraient naturellement portés à la tolérance et à la résistance aux injustices quand les autres
seraient enclins à se soumettre et à collaborer aux pires basses œuvres. « La notion de résistance, les
protestants français, descendants des huguenots, la boivent dans leur biberon. Les luthériens alsaciens, c'est
plutôt le contraire qui leur a été inculqué au fil des siècles : la déférence envers les pouvoirs cléricaux et
politiques et la soumission aux autorités » ( page 108).
En définitive, l'auteur n’a guère le souci de faire la part belle à la nuance, son œuvre s’apparente à un
salmigondis de références mal digérées, truffé d’approximations.
Attribuons tout de même un mérite à Monsieur Weckel. Grâce à son travail, sera organisé, les 16 et 17
novembre 2023, un colloque intitulé “ Le protestantisme et les pasteurs alsaciens-mosellans entre 1940 et 1945
“. Sa direction scientifique sera confiée à un homme qui chérit la pondération, le Professeur Marc Lienhard.
Nul doute que les affirmations péremptoires assénées dans ce livre ne résisteront pas à l’analyse.

Suite de l'article dans la revue Heimet 243


Date de création : 18/12/2022 21:50
Catégorie : Meinùnge / Opinion - Jean FAIVRE
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Réactions à cet article

Réaction n°1 

par Beatrice_Koch le 12/01/2024 02:42

L'auteur lui-même nous prévient qu'il n'a pas fait un travail d'historien mais nous invite à le suivre dans son enquête, ses tâtonnements, ses intuitions. Il y a donc forcément des failles dans cet ouvrage, mais, comme le chantait Léonard Cohen: "there is a crack in everything, that is how the light gets in" (il y a une faille en chaque chose, c'est ainsi qu'entre la lumière). Gageons que malgré le côté "pamphlétaire" ou inachevé du livre de M. Weckel, la parole libérée lors des conférences qui ont suivi sa parution et le présent débat sera salutaire. Redde mr noch a bìssele devùn so làng s'muess sìn !